Ministère de la Justice. Administration de la Sûreté publique. Police des étrangers. Dossiers généraux 2e série (Versement 2003)

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Ministère de la Justice. Administration de la Sûreté publique. Police des étrangers. Dossiers généraux 2e série (Versement 2003) 
La Police des étrangers est une ancienne institution de l'État belge apparue en tant qu'organe autonome après la Première Guerre mondiale. Ses missions font partie des tâches de la Sûreté publique. Dès après l'indépendance, l'État belge charge la Sûreté publique du contrôle des étrangers sur son territoire. Au XIXème siècle, ce contrôle vise principalement à éviter que des étrangers se rendent coupables d'activités politiques subversives pouvant hypothéquer les relations diplomatiques de la Belgique. La Sûreté publique s'acquitte minutieusement de cette tâche après la paix avec les Pays-Bas en 1839. Le contrôle des étrangers est assuré par une banque de données administratives, contenant un dossier sur chaque étranger séjournant en Belgique. Ce dossier est notamment composé des rapports des administrations locales. Dans le cadre de sa mission visant à garantir l'ordre public, la Sûreté publique interdit aux étrangers condamnés pour des faits criminels de continuer à séjourner en Belgique après avoir purgé leur peine. Les étrangers qui ne respectent pas l'obligation de réserve politique peuvent également être expulsés. L'ambition de la Sûreté publique ira même bien plus loin, puisque celle-ci veut se transformer en police politique. Le développement d'une police gouvernementale autonome est en contradiction flagrante avec le libéralisme belge du XIXème siècle. Cette constellation politique visant à garantir les libertés libérales met en effet au centre la protection de l'individu contre l'État via une décentralisation poussée et un pouvoir de contrôle parlementaire extrême. La Sûreté publique en tant qu'organe de contrôle visant à garantir l'ordre public peut toutefois réclamer une grande autonomie. Cette institution d'État unique, dispensée du contrôle parlementaire, est une anomalie. Aussi le Parlement n'accorda à cette institution que des effectifs limités et des moyens de travail réduits. La Sûreté publique est donc très dépendante, dans l'exécution de ses tâches, des administrations locales qui défendent jalousement leur autonomie. Au XIXème, ce service s'apparente à un tigre de papier. Les tensions sociales qui émaillent le dernier quart du XIXème siècle constituent une occasion idéale pour le renforcement du rôle de la Sûreté publique. Mais en raison de dérives dans le travail de la police, cette possibilité sera gâchée. À la suite de l'affaire Pourbaix principalement (1889), la Sûreté publique doit abandonner une partie de son pouvoir. En 1890, elle perd sa position institutionnelle exceptionnelle. Ses compétences tombent alors sous la responsabilité politique du ministre de la Justice. Dans le cadre de la stratégie de défense sociale des gouvernements catholiques homogènes de la décennie qui précéde la Première Guerre mondiale, la Sûreté publique reçoit toutefois une fonction de pointe dans la lutte contre le" peuple subversif et criminel". Le" peuple criminel" englobe bien plus que les criminels condamnés. C'est ainsi que les étrangers incapables de travailler ou chômeurs de longue durée, les groupes itinérants et les travailleurs du sexe, voire les personnes vivant une sexualité alternative connaîtront aussi les rigueurs de la Sûreté publique. Ils sont considérés comme des" vagabonds", des" gitans" et des" dépravés" et par conséquent expulsés comme étrangers dangereux. Cette histoire de la Police des étrangers au XIXème siècle est amplement documentée dans le premier versement des dossiers généraux de la Police des étrangers conservés aux Archives générales du Royaume. Les dossiers individuels de la Sûreté publique conservés en partie par cette même institution offrent également un regard passionnant sur l'administration de la population de nationalité étrangère et témoignent des centres d'intérêt de la Sûreté publique. Les archives du XXème siècle conservent encore des traces de l'action de la Sûreté publique du siècle précédent. La classification des gitans et des travailleurs du sexe dans la catégorie des" étrangers dangereux" persiste durant la première moitié du XXème siècle. Les dossiers administratifs de ce type n'ont pas été clôturés en 1914 mais se sont poursuivis jusque loin dans les années 20. Au XXème siècle, le fonctionnement de la Sûreté publique en tant que petite administration est resté très dépendant d'autres services, mais sa puissance s'est considérablement accrue au fil du siècle. Le paysage politique en évolution, incluant un développement et une professionnalisation de toutes les forces de l'ordre, a renforcé l'emprise des pouvoirs publics sur la vie sociale. Dans le même temps, ce mouvement est allé de pair avec une tendance centralisatrice, au détriment de la Police communale et surtout au profit de la Gendarmerie. Le renforcement de la Gendarmerie à partir de 1886 et la création de la Police judiciaire en 1919 ont entraîné une rationalisation croissante de l'appareil policier. Cette opération de centralisation a permis à la Sûreté publique de disposer d'instruments plus performants pour mener sa politique. Vers le milieu du XXème siècle, le pouvoir judiciaire, Conseil d'État y compris, s'est manifesté davantage comme un contre-pouvoir, et a dans une certaine mesure réduit la puissance de la Police des étrangers. Le point culminant du dynamisme de cette dernière se situe aux alentours des deux guerres mondiales. La Sûreté publique fut alors mobilisée pour rappeler les ressortissants ennemis à l'ordre. La protection juridique des étrangers fut temporairement abolie durant l'occupation du pays. Même les Belges, dont la trahison avait entraîné la privation de la nationalité belge, tombaient sous le pouvoir de la Police des étrangers. Après la Première Guerre mondiale, la Sûreté publique doit s'adapter à une nouvelle époque. Avec la démocratisation, de nombreuses organisations jusqu'alors considérées comme subversives sont intégrées dans le régime politico-social. La Sûreté publique doit restreindre son ambition de devenir une police politique. Le changement de régime lié à la fin de la Grande Guerre rend beaucoup plus complexe l'administration de la population étrangère. La méfiance internationale, scellée par le rétablissement des contrôles aux frontières, et surtout la démocratisation de l'État belge, entraîneront la redéfinition et essentiellement l'extension de la notion d'" étrangers indésirables". Lors de l'élaboration de la politique des étrangers, il faut tenir compte d'intérêts privés jusqu'alors ignorés, en particulier les intérêts de groupes sociaux" inférieurs". Cette démocratisation de l'État apparaît dans les nombreux documents (y compris au travers d'une riche collection de coupures de presse) contenus dans le deuxième versement des dossiers généraux de la Police des étrangers. Ces documents émanent de diverses organisations sociales désireuses d'influer sur la politique des étrangers. En raison de la nécessité de concilier un vaste éventail d'intérêts dans la politique des étrangers, la Sûreté publique n'a plus seulement considéré les étrangers essentiellement comme des acteurs politiques, mais également comme des acteurs économiques. Ce contrôle sur les étrangers en tant qu'acteurs économiques offre un point de vue unique sur les politiques économique et du travail naissantes de l'État belge. Les permis de travail (1930), les autorisations d'activités ambulantes (1935) et les cartes professionnelles (1946) constituent les expressions formelles de ces nouveaux défis, mais on en retrouve déjà les traces au début des années 20. La Police des étrangers a ainsi chapeauté une politique toujours plus complexe, se voyant sans cesse attribuer de nouveaux objectifs tendant à garantir l'ordre public. Les nouvelles ambitions pèsent de plus en plus lourd dans la politique avec la croissance explosive de l'immigration en Belgique, conséquence des besoins de main-d'œuvre dans l'industrie lourde. Cette migration des forces de travail peut être suivie avec précision dans ce fonds d'archives. Particularité de l'État providence corporatif des années 50 : la décision d'autoriser la migration de travailleurs fut prise dans le cadre des organes consultatifs tripartites classiques. Le processus de recrutement subséquent ainsi que l'intégration des étrangers dans les segments leur étant attribués sur le marché du travail sont eux aussi amplement documentés dans le deuxième versement des dossiers généraux. Cette intervention de l'État prend progressivement forme durant l'entre-deux-guerres, les pouvoirs publics ayant partagé cette nouvelle compétence avec les partenaires sociaux. La migration fortement régulée de travailleurs fut un flux migratoire masculin. La migration de main-d'œuvre liée aux services domestiques, qui ne fut pourtant pas insignifiante quantitativement, est peu évoquée dans ce fonds d'archives, ce qui illustre le caractère moins sensible de la migration de main-d'œuvre féminine. L'interventionnisme de l'État se marque plus nettement en matière d'immigration et d'établissement des étrangers dans la Belgique du XXème siècle. La politique des étrangers du XIXème siècle connaît une diversification accrue avec sa politique migratoire, d'expulsion et de naturalisation de la première moitié du XXème siècle. Plusieurs catégories d'étrangers sont exemptées du carcan imposé aux immigrants. Une politique spécifique est notamment élaborée pour les frontaliers et, les personnes contraintes de quitter involontairement leur pays obtiennent un traitement privilégié en tant que réfugiés. Une politique spécifique est également mise en œuvre pour les journalistes, les diplomates, les étudiants, les artistes étrangers. La criminalité des étrangers change également de caractère avec l'apparition d'une nouvelle catégorie d'infractions visant à contourner la politique migratoire restrictive (séjour et/ou travail illégal, documents falsifiés, etc.). L'enchevêtrement international croissant, qui va se manifester principalement dans les années 60, apparaît, dans une phase embryonnaire, au sein du deuxième versement des dossiers généraux. La Police des étrangers a en tout cas entretenu des contacts avec des autorités étrangères et des organisations internationales. La politique des étrangers en Belgique est incorporée dans un cadre de migration internationale. Étant donné la complexité croissante des missions de la Sûreté publique, une spécialisation et une rationalisation s'imposent. En 1929, la Sûreté publique subit une réorganisation. La troisième direction générale du ministère de la Justice est subdivisée en trois directions : la Sûreté de l'État proprement dite, la Police des étrangers, ainsi qu'une troisième direction. À la tête de la Sûreté publique, on nomme un administrateur assisté d'un administrateur adjoint. à la tête de chaque direction se trouve un directeur. Dans le même temps, les effectifs sont renforcés, une tendance qui se confirmera dans les années 30 et 50. Ces trois directions (devenues cinq ultérieurement) fonctionnent de manière autonome, ce qui apparaît notamment dans les rares informations concernant les activités politiques des étrangers contenues dans le deuxième versement des dossiers généraux. Le fonctionnement subdivisé de la Sûreté publique se traduit également par l'ouverture de dossiers personnels distincts d'étrangers par la première direction. Ces dossiers S.E. (Sûreté de l'État) d'étrangers politiquement actifs font que les dossiers de la Police des étrangers au XXème siècle sont parfois moins fournis que ceux du XIXème siècle, car ils ne contiennent plus que des documents relatifs à la gestion administrative de la population étrangère. 
Ministère de la Justice. Administration de la Sûreté publique. Police des étrangers. Dossiers généraux 2e série (Versement 2003) 

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